De retour sur le blog avec quelques (longues^^) chroniques de bandes dessinées qui m'ont emballés ces dernières semaines!
Tout d'abord, "
De Mal en Pis" de
Alex Robinson, publié en 2001, et traduit en 2005 chez Rackham. Apparemment
bien accueilli par la critique , je n'ai lu cet énorme pavé de 600 pages que ce weekend.
Le graphisme en noir et blanc trace les aventures sentimentales d'un groupe de jeunes new-yorkais avec humour et empathie. Galères dans le monde du travail, difficultés à chercher et trouver l'âme soeur, espoirs, désillusions, etc. Bref on a tout l'éventail des situations attendus et normales que l'on peut espérer de ce sujet. Où est l'originalité alors? D'un côté il n'y en a pas vraiment: c'est typiquement le genre de chroniques sentimentales avec ses personnages attachants, sympathiques malgré leurs défauts, qui doivent affronter les difficultés habituelles de cette tranche d'âge (collocations, amours, ambitions naissantes, rêves mis à mal par la réalité, ...). Le tout marqué par le sceau de l'authenticité et du quotidien.
Tout ça fait que, si on est pas fan de ce genre de récit (surtout que depuis des années ce genre a eu son lot de chefs d'oeuvres et, hélas, de livres chiants et communs), on peut passer allégrement son chemin sans remords et ne pas lire cette énorme BD -- auquel cas, on aurait tord, car
De Mal en Pis mérite tout de même l'attention.
L'originalité de ce livre ne tient pas forcément dans le graphisme d'
Alex Robinson (simple, maîtrisé mais bon, ya pas de quoi se relever la nuit), mais dans sa excellente maîtrise narrative: les péripéties s'enchainent sans temps morts, et on suit les destins d'une dizaine de personnages avec un égal intêret. Mais surtout, ce roman graphique fleuve, par sa longueur, permet de suivre l'évolution des héros au cours de quelques mois, et de bien cerner leur psychologie, surtout que "Tout le monde n'en sortira pas grandi et aucun d'entre eux ne sera plus le même."
On a sherman Davies, employé dans un magasin de livres, en proies à des intrigues amoureuses foireuses et à des vélléités d'écrivain; son ami Ed Velasquez, cherchant l'âme soeur et à percer dans le monde des dessinateurs de comix; Dorothy Lestrade, journaliste un peu fragile, ... Mais il y a aussi un serial killer, la doublure de R2D2, deux jeunes fugueuses, une logeuse despotique, une convention de SF et, un épilogue très touchant.
En effet un épilogue touchant qui fait le point sur le destin des héros "
De Mal En Pis", au cours duquel on prend conscience que le livre s'achève: après une lecture passionnée de 6h d'affilée (je n'avais pas autant plongé dans une BD depuis le"
From Hell" de
Alan Moore/
Eddie Campbell...), on quitte à regret ces histoires, banales mais attachantes.
Un sentiment que l'auteur a du éprouver puisque il écrit une petite suite, simplement intitulé "
Bonus" (traduit en 2006), où on retrouve avec un énorme plaisir tous ces protagonistes.
Un add-on qui comporte notamment une petite BD réalisée à l'occasion d'un 24 Hours Comic Day. Pour les curieux, plus d'informations sur cette manifestation-performance annuelle
ici, ou notamment
ici pour voir les BD réalisées lors d'un
24 Hours Comic Day à Dijon en 2005 (on peut même y voir
ma participation, une participation qui demande d'ailleurs bien d'indulgence^^).
"
Le monde selon François - Tome 1 : Le secret des écrivains" illustré par
Renaud Collin et scénarisé par
Vincent Zabus est édité dans la nouvelle collection de Dupuis, "Punaise"(destiné aux lecteurs de 6 ans et +).
Le scénario est sympatoche (jolie variation sur le petit garçon qui s'invente des histoires qui deviennent réelles, le tout avec une touche de magie pour faire moderne), un peu dans le même esprit que "
Gargouilles"de
Filippi,
Jung et
Cambioni. Mais ce qui m'a poussé à acheter cette BD c'est surtout son superbe graphisme (en vectoriel?), très vivant, et qui me rappelle le graphisme de
Arthur de Pins.
Mais dommage que le format soit aussi petit: on ne distingue pas assez tous les détails!
Sinon, énorme coup de coeur pour "
Entre Deux" de
Vincent Perriot, paru il y a peu chez les
Editions de la Cerise (... oui-oui, c'est apparement nécessaire d'avoir un nom un peu absurde quand on est éditeur indépendant). Encore une BD en noir et blanc d'ailleurs. Format A4 mais qui paraît tout de suite plus grand quand on lit l'ouvrage: chaque double page s'ouvre sur la confrontation d'une petite case (sans contours,
centrée) perdue sur la page gauche blanche et d'une unique (et superbe) case à droite, qui déploie sur toute la page un dessin lyrique et passioné (tout en hachure).
Deux cases qui se répondent mystérieusement vu qu'il y a une absence totale de dialogue textuel, au profit d'un dialogue graphique, "séquentiel" que l'on doit dévoiler, déchiffrer soi-même. Les deux cases decrivent une même scène, mais pas forcément dans l'ordre chronologique, l'une pouvant être aussi une partie de l'autre...
Bon, tout cela est difficile à expliquer, mais à la lecture, ça marche très bien, et l'on se retrouve alors embarqué dans une aventure étrange, un peu onirique, sensuelle et envoûtante! Le tout servi par un graphisme superbe (au stylo?), qui m'évoque Blutch, Mattoti et quantité d'autres auteurs talentueux!
Je finis avec "
Cosmos" de
Kim Sung Jun, un manwha assez atypique de 2003 paru chez Kana en 2006. Atypique dans le sens où c'est un genre de "manwha d'auteur": Kim Sung Jun raconte les amours croisés de deux couples, qu partagent à un certain moment le même appartement. C'est tour à tour onirique, sensuel, cru, nostalgique, érotique, sentimental, expérimental ...
Et le dessin suit aussi ces sensations contrastés et cette palette des émotions, en variant de style: noir et blanc, avec ou sans trame, aquarelle, sépia, pavés de texte, ...
Un éclectisme plus ou moins maîtrisé (
Kim Sung Jun le reconnaît lui-même), une narration parfois confuse, autant de défauts qui peuvent rebuter, c'est certain; mais en persévérant, on obtient tout de même une BD sensible et belle, qui peut rappeler les films de Wong Kar-Waï, Kim Ki Duk, ...
